Automne 2009. Quelques jours après être arrivé en Thaïlande, je prends un bus de nuit pour Chiang Mai. Le but: passer une semaine à l’Elephant Nature Park, un centre de sauvetage et de réhabilitation pour éléphants fondé par Lek en 1996. L’éléphant a beau censé être vénéré en Thaïlande, il est surtout maltraité, torturé, et rendu à l’état d’esclave, principalement pour le bonheur des touristes pour qui une balade à dos d’éléphant est un must en Asie, mais aussi pour divers travaux agricoles. Certains éléphants sont mendiants (il n’y en a plus beaucoup).
J’ai découvert ce parc en faisant des recherches pour effectuer du volontariat lors de ce voyage, histoire de faire quelque chose d’utile. Une semaine coûte 12000 bahts. Certes un peu cher pour travailler, mais on est bien entendu nourri, logé, et l’argent sert surtout aux éléphants: le parc achète la nourriture dans les villages voisins. Tout le monde profite de ce parc: les animaux (des éléphants, mais aussi beaucoup de chats et chiens, des buffles), les villageois, les touristes (beaucoup viennent une journée), et surtout les bénévoles. Car cette semaine passée au bord d’une rivière dans le nord de la Thaïlande est une véritable aventure humaine, pleine de souvenirs, de grands moments avec des gens de tout âge et venus du monde entier.
Première journée
La semaine commence au bureau du parc dans Chiang Mai. Je donne les 7000 bahts restants à payer, en échange d’un tee-shirt, d’une gourde et d’un porte-gourde. Je rencontre quelques volontaires, on fait connaissance. Puis direction le parc, une heure et demi dans un mini-van avec quatre autres volontaires et Bradley, alias Brad, alias Brad Pitt. Il est responsable de notre groupe nouvellement formé. Le type le plus marrant du monde, je le découvre rapidement. Il enchaîne les blagues et est le premier à en rire. Sur le trajet, il fait arrêter le van, sort et annonce “I have to shoot some rabbits”, le plus sérieusement du monde. Il va pisser… Autres responsables: Jak, Bum, bien marrants aussi.
Voilà comment se passe une semaine normale au camp: le premier jour on suit le programme des touristes: on nourrit les éléphants à midi, on visite le centre, on déjeune: la nourriture, principalement vegane (et de toute façon végétarienne), vaut à elle seule les 12000 bahts!
On baigne les éléphants dans la rivière (qui leur sert aussi de toilettes), les éléphants adorant l’eau. On leur jette des seaux d’eau, se retrouvant nous aussi rapidement trempé. La joie des éléphants est visible.
On récupère nos chambres.
Un documentaire sur le centre et sur la façon dont les éléphants sont traités en Thaïlande est diffusé. Un film dur qui montre la réalité derrière les amusements pour touristes: les éléphants qui peignent, les balades. Il faut savoir qu’un éléphant, ce n’est pas un gentil toutou, il n’aime pas recevoir des ordres et pour arriver à dresser un tel animal il faut passer par une bonne semaine de torture: l’éléphant est coincé entre des bambous, sans pouvoir s’asseoir, en étant peu nourri. Et tous les jours des hommes armés de longs pics blessent l’animal, souvent encore très jeune, qui saigne abondamment et hurle à la mort, jusqu’à ce que son esprit se rende, lobotomisé par des heures insoutenables de torture digne des plus grands nazis et khmers rouges.
Le soir, après le repas, un chaman venu d’un village voisin offre une cérémonie de bienvenue aux bénévoles. On noue un bracelet de fil blanc au poignet de chaque volontaire (bracelet que je porte toujours un an et demi après). La soirée se finit par une introduction, chacun se lève et se présente, le seul moment chiant de la semaine.
Le travail journalier
Durant la semaine on bosse! Au programme: nettoyer les étables (les éléphants ne peuvent sortir la nuit, à cause des villages environnants), couper du maïs, construire une clôture, un muret, préparer la nourriture pour les éléphants (décortiquer le maïs, couper les fruits), ramasser des paquets d’herbe de l’autre côté de la rivière (éprouvant). Des boulots toujours faits en groupe dans la bonne humeur, à son rythme. Je n’ai jamais fait la plupart des travaux effectués.
Une matinée passée à jeter dans une grande fosse divers déchets, un éléphant se retrouve soudain à deux mètres derrière nous en quelques secondes sans qu’aucun de nous ne l’ait vu ou entendu. Aucun bruit! D’ailleurs, Hope, le plus fou et curieux des éléphants du parc, porte constamment une cloche autour du cou car il court partout sans faire de bruit.
Construire le muret (dans un futur centre, en montagne) est un grand moment: construit avec Tyler (canadien, bien délirant) et les moyens du bord (c’est-à-dire pas grand-chose), le muret, ben… Disons qu’à priori il tient toujours, c’est déjà ça.
Chaque jour a son lot d’amusements! Descendre la rivière en bouée, passer la matinée dans une école voisine à jouer avec les enfants parfois déchaînés (un excellent souvenir), observer le comportement des éléphants et en discuter, dessiner, se baigner dans une cascade glacée (on est peu à oser).
Le soir est toujours agréable, il y a toujours quelque chose de proposer, que ce soit une soirée chant (en thaï) et danse complètement barrée avec Brad, Jak et Bum aux micros, nos animateurs d’un soir (qui derrière les fous rires sont toujours bienveillants et responsables), le mariage (!!!) d’un travailleur du parc… Les éléphants doivent par contre être gardés dans des enclos pour éviter qu’ils ne détruisent les cultures environnantes.
L’Elephant Heaven
Après cinq jours passés à travailler on passe la dernière nuit à l’Elephant Heaven, un havre de paix au milieu de la jungle pour les éléphants qui peuvent rester seuls toute la nuit, les mahouts (gardiens des éléphants, qui à l’Elephant Nature Park ne montent pas dessus et n’utilisent pas d’arme) et nous restant dans une grand cabane sur pilotis. Soirée au coin du feu, repas succulent. Moment magique. La nuit l’est un peu moins. Quelques chiens nous ont accompagné, l’un d’eux est couché sur la moustiquaire. J’ai son cul devant le visage, impossible de le bouger. Et il pue sévère. Tyler commence par s’en servir comme coussin, mais finit par se retourner. Ajoutons à ça le concert de grenouilles, je ne dors pas plus de quatre heures. La jungle n’est pas si tranquille…
Le lendemain, sur le trajet, pendant que les mahouts récupèrent les éléphants (ils y passent un moment, un éléphant, ça a beau être gros, ça se fond bien dans le décor) nous accrochons chacun un morceau de robe de moine au tronc d’un arbre, le protégeant ainsi de la déforestation (personne ne se permettrait de couper un arbre “béni” ici, merci aux croyances pour une fois).
Il est incroyable de constater à quel point ces animaux énormes peuvent être gracieux. Le chemin n’est qu’un simple sentier de montagne, et les éléphants y passent lentement, sans problème, un pied devant l’autre, sans rien casser.
Un peu plus tard dans la journée, c’est Jokia, une vieille femelle d’une cinquantaine d’années rendue aveugle par son ancien mahout contre qui elle s’était rebellée qui impressionne tous ceux présents: elle attrape avec sa trompe un morceau de bois, en tâtonnant, commence par se gratter le ventre, mais trouvant le bâton trop long, elle met un pied dessus pour le casser et ainsi le raccourcir.
Tout au long de la semaine, je suis plusieurs fois impressionné de la sorte par les éléphants: leur grande intelligence, leur vie sociale, leurs différences de caractère, leur grâce. J’espère y retourner un jour… L’Elephant Nature Park est lieu magique où les hommes ont beaucoup à apprendre des éléphants.
D’un blog à l’autre j’ai découvert le tien et dès que j’ai cliqué sur le lien j’ai eu l’impression qu’on s’entendrait bien, moi aussi photographe amoureuse du voyage et végane ! L’an passé lors de mon voyage en Thaïlande je suis passée par L’ENP et j’ai adoré l’expérience. Justement si je retourne dans ce pays c’est clairement pour passer une semaine comme bénévole à Elephant nature park !! Bonne chance avec les préparatifs de ton prochain voyage!